Studio de TV de Channel 7

La principale chaine de TV de Seattle possède un immeuble de 30 étages dans le centre de la ville. Elle diffuse principalement des news locale mais relaie aussi les nationales d'importances.
Tres regardé, principalement pour ses actus et talk-shows locaux, elle est également un vecteur de culture, surtout musicale.


Les applaudissements se déchainèrent lorsqu’Angela Lockridge rentra sur scène. Dans un tailleur impeccable, la belle présentatrice souriait à pleine dent, fière de du succès constant de son talkshow. Elle n’était pas Oprah mais son influence s’étendait sur tout l’état sans véritable rival.

- Bonsoir a tous pour ce nouveau Seattle Night Live. Un seul invité ce soir, mais de poids. Candidat au poste de DA aux élections prochaines, avocat, père de famille, je vous présente Stanley Donnigton !!

Pas besoin d’assistant pour que la foule éclate en applaudissement spontané à l’entrée de l’avocat.

Stan était arrivé assez à l’avance au studio. Trish avait du l’y conduire, il n’avait pas encore de voiture. La Lincoln MKZ qu’il avait commandée n’était pas encore arrivée.

Il était très à l’aise en public. Pourtant, juste avant d’entrer sur le plateau, il avait les mains moites, comme avant chaque début d’audience au tribunal. Il venait de se faire maquiller, il avait échangé quelques plaisanteries avec les assistants du show. Wyatt et Clara l’avaient coché jusque dans la loge. Trish l’avait aidé à rester détendu.

Angela l’annonça et l’assistant de plateau lui fit signe de faire son entrée alors que les applaudissements commençaient. Stan s’avança vers la présentatrice, sourit et fit signe au public avant de serrer la main de la journaliste.

- Bonjour Angela, dit-il d’une voix assurée.

Le léger trac d’avant show avait totalement disparu. Stan était dans son élément. Il allait plaider face à un jury qui, quelques temps plus tard, jugerait s’il était à même ou non d’exercer les fonctions de procureur du King County.

La présentatrice invita Stanley à s'installer dans un des confortables fauteuils prés d'elle. Trop prés aurait sans doute dit Trish qui lui avait avait recommandé d’éviter de loucher sur le décolleté plongeant de la belle journaliste.

- Je suis ravie de vous avoir ici, Stanley. D'ailleurs vous préférez Stanley ou maître ?

Elle le regardait avec ce sourire enjôleur un peu polisson qui était sa marque de fabrique et faisait facilement perdre leur moyens à ses invités hommes... et certaines femmes également. Wyatt avait passé un long moment à le préparer à ces longs moments de flirts qu'il allait devoir subir.

- Avant de passer à votre portrait, j'aimerai savoir si vous allez bien. Vous êtes bien installé, besoin d'un verre d'eau ?

Elle se tourna vers le public, face caméra, comme pour le prendre en aparté. "Je ne voudrais pas qu'il me face un procès".
Elle avait fait une blague similaire la semaine dernière lors du passage de Mason Drake, en évoquant une hypothétique montée du loyer.

En véritable pro, Stan ne jeta pas un seul regard au décolleté aguicheur de la journaliste et la regarda dans les yeux quand il lui serra la main. Avan de quitter la maison, Trish l'avait aidé à faire en sorte que la tentation de la chair ne le préoccupe pas trop ce soir là. En même temps, ça l'avait relaxé.

- Merci, dit-il décontracté. Je suis très heureux d'être avec vous. Appelez-moi Stanley. Maître, c'est uniquement pour le tribunal.

Stan souriait et regardait la présentatrice dans les yeux sans paraître trop insistant, jamais plus de trois secondes d'affilée comme il l'avait appris.

- Je vais très bien, merci. Et vous ? Demanda-t-il pour accentuer le côté conversation amicale. Non merci, je n'ai besoin de rien. Je ne voudrais pas ruiner la chaîne, j'ai entendu que le loyer du studio avait augmenté depuis la semaine dernière.

Ravi de ce début, la foule manifesta son approbation par des rires assez francs. La première manche était gagnée pour l'avocat.

- Je vous propose, de regarder votre portrait ensemble.

D'ordinaire, les portrait de l'émission étaient plutôt consensuel et ne servaient qu'à présenter l'invité. Celui-la ne fit pas exception à la règle. Une photo de la paroisse et du père de Stanley, son lycée, l'armée bien sur, son mariage... En quelques minutes il vit défiler une sorte devant lui une version expurgée de sa vie. Si rien n'était faux, il manquait quand même beaucoup de ces motivations profondes.

Une fois terminé la présentatrice se retourna vers lui avec un sourire.

- C'est bien vous? Quelque chose à rajouter ?

Stan regarda avec intérêt le portait qu'on faisait de lui. Il sourit en voyant les photos de lui plus jeune et en uniforme. Quand Angela reprit la parole il prit un bref instant de réflexion avant de répondre.

- C'est bien moi, oui. C'est assez étrange de voir sa vie défiler de cette façon sur un écran mais ça me résume assez bien. Ma famille est ce que j'ai de plus précieux au monde, mon épouse, mes enfants, mes parents, je tiens énormément à eux. Et puis il y la volonté de servir ses semblables qui me caractérise assez bien. C'est pour ça que j'ai rejoint le corps des Marines, c'est pour ça aussi que je suis devenu avocat, et c'est pour cette même raison que je me présente à l'élection de procureur. Je gagne ma vie pour nourrir ma famille et pour assurer l'avenir de mes enfants. C'est une grande satisfaction personnelle que de pouvoir le faire en servant mes concitoyens.

La présentatrice écouta la réponse de Stan, ravie que le portrait soit bien accepté.

- Il y a quand même un grand pas entre avocat et procureur. Qu’est-ce qui vous a décidé ?

Elle devait déjà le savoir, mais ce n’était pas forcement le cas de tous le public. Les préliminaires étant terminé, les choses pouvaient commencer.

Stan prit le temps de construire sa réponse et se redressa sur son siège. Les choses sérieuses commençaient.

- Il n'y a pas tant de différences que ça entre le métier d'avocat et celui de procureur. Les deux servent la justice et sont des rouages importants dans une démocratie. J'aime beaucoup le métier d'avocat et j'ai le sentiment profond de faire d'oeuvrer à une justice plus équitable en le pratiquant.

Les prémices posé, il répondit plus directement à la question de la présentatrice.

- Si j'ai décidé de me présenter à l'élection de DA, c'est parce qu'en tant que citoyen, je suis très mécontent de la façon dont les choses se passent au sommet du Rafferty Building. Victoria Tindall lutte contre la criminalité de cette ville comme un personnage de cartoon tente de colmater une fuite dans la coque d'un bateau avec ses dix doigts et ne sait plus quoi faire quand la onzième fuite éclate.

Il sourit lui-même en imaginant la scène.

- En tant qu'avocat, je suis aux premières loges pour voir tout ce qui ne va pas au bureau du procureur. Je pense que d'une certaine façon, c'est Madame Tindall qui est à l'origine de ma vocation de devenir procureur.

Stan se tourna avec un petit sourire malicieux vers la caméra 3 qui le fixait pendant sa réponse.

- Merci, Madame Tindall.

Le public apprécia le trait d'humour et ponctua la punchline de l'avocat de rires francs. Du coin de l’œil il vit Wyatt lever son pouce et sourire. Les journaux allaient adorer reprendre ce passage.

- Je suis sure qu'elle appréciera. Mais soyons honnête, vous ne pouvez pas rendre l'administration Tindall responsable de tous les maux qu'a connu cette ville depuis quelques années. Terrorisme, blackout ou zombies. Sans parler de criminalité plus ordinaire.

Question plutôt attendue qui permettait à Stan de dérouler tranquillement son argumentation. Angela était soit particulièrement complaisante ce soir, soit elle avait un tour dans son sac.

Concentré et dans son sujet, Stan n’eut pas de difficultés à répondre.

- Où que ce soit, la criminalité a toujours des causes sociologiques. Depuis très longtemps il a été clairement démontré que c’est au sein des populations les plus pauvres que la criminalité est la plus élevée. C’est parmi les populations défavorisées qu’il y a le plus d’auteurs mais aussi le plus de victimes de cette criminalité. Lutter contre les causes sociologiques de la criminalité ne fait pas partie du rôle d’un procureur, même s’il reste important de faire de la prévention. Mais en tant que citoyen, je m’interroge et je m’inquiète de l’impact que la gestion de la ville a sur cette criminalité. La mairie augmente régulièrement les taxes pour fournir une aide ponctuelle aux citoyens quand une baisse de la pression fiscale sur les entreprises permettrait de créer des emplois et d’enrichir les citoyens. C’est pour cette raison que je soutiens Jim Gordon à la mairie, je pense qu’il est temps que nous assistions à un changement de politique à ce niveau là.

Si Stan était dans son sujet, il s’attendait à ce que les choses finissent par se compliquer. Si Angela restait trop complaisante sur l’ensemble de l’émission, ce ne serait pas bon pour leur crédibilité à l’un et à l’autre.

- Face à cette criminalité forte et atypique qui frappe le comté, c’est à la police et au procureur qu’il appartient d’apporter une réponse directe. La police est en première ligne et le bureau du DA suit juste derrière. Et si la réponse n’est pas appropriée, le sentiment d’impunité s’installe et les choses dégénèrent. Dans la situation actuelle, la police fait ce qu’elle peut, il y a de très bons ADA qui font leur travail aussi, mais la politique globale, le leadership de Victoria Tindall engendre le sentiment d’impunité.

- Vous êtes sur que c'est bien le poste de procureur que vous visez et pas celui de maire ? plaisanta Angela.

Elle écouta la suite de l'argumentaire et hocha la tête en signe de compréhension.

- Je comprend. Lors de votre officialisation de campagne, on a vu beaucoup de membre des forces de l'ordre dans votre jardin. Vous pensez qu'ils vous soutienne justement pour cette raison ? Votre administration sera plus dure envers les criminels et facilitera le travail de la police ?

Stan rit avec Angela de la plaisanterie qu’elle venait de faire avant de répondre plus sérieusement à la question qu’elle avait posée ensuite.

- Je pense que pas mal de policiers sont frustrés de la façon dont les choses se déroulent. Beaucoup d’entre eux font un job formidable, ils mènent des enquêtes de longue haleine et quand ils arrêtent quelqu’un, Victoria Tindall renonce à poursuivre parce qu’elle n’est pas sûre de pouvoir obtenir une condamnation et que ça nuit moins à ses statistiques de renoncer que de perdre. Ou elle conclut un deal pour obtenir des informations et fait libérer le suspect sans condition même si les charges qui pèsent sur lui sont très graves. Ensuite, elle utilise les informations qu’elle a obtenues pour participer à l’arrestation d’un gros bonnet et parade devant les journaux qui oublient que cette arrestation a coûté la remise dans la nature d’un individu dangereux.

S’il n’avait rien dit de plus que ce que à quoi le public avait accès, Stan pouvait difficilement en dire davantage sans enfreindre le secret professionnel. Mais son amertume était perceptible

- Je ne pense pas que mon programme soit spécialement dur. Ce n’est pas plus dur que ce qui est prévu dans la loi. Je veux que les criminels assument les conséquences de leurs actes. Avec moi, il n’y aura pas de free pass. Ca ne veut pas dire qu’il faut envoyer tout le monde en prison. Mais j’ai l’intention de proposer extensivement des travaux d’intérêt général pour les plus petits délits, y compris ceux qui ne sont pas poursuivis actuellement comme la détention d’alcool pour un majeur de moins de 21 ans. En ce qui concerne les deals, je serai prêt comme tout procureur à négocier pour obtenir des informations, mais je vous promets…

Il insista sur ce qu’il s’apprêtait à dire levant le doigt et en répétant.

- … Je vous promets que je ne laisserai personne s’en tirer sans avoir à assumer les conséquences de ses actes.

La journaliste écouta patiemment le discours, une fois de plus.

- Je comprend. Ça risque d’être difficile pour négocier avec ce genre de profession de foi, mais je comprend tout à fait votre point de vue.

Elle laissa passer quelques secondes, avant de reprendre, tout sourire.

- En tant qu'avocat, vous avez vous-même profité de cette politique que vous accuser de laxisme. Si la politique de madame Tindall vous a motivé dans votre carrière politique, elle vous à aussi propulsé en tant qu'avocat à succès. En d'autres termes, vous avez vous même aidé à faire libérer ses mêmes criminels que vous souhaitez enfermer à présent.
C'est un peu schizophrène vous ne trouvez pas ?

Le moment que Stan attendait arriva, Angela laissa de côté la complaisance et posa une question un poil plus embarrassante, mais rien que Stan n’avait anticipé. Vu la façon dont il avait développé son argument, la question était parfaitement légitime.

- La différence, c’est qu’en faisant libérer mes clients, j’ai fait mon travail. En refusant de les poursuivre, Victoria Tindall n’a pas fait le sien. C’est le fonctionnement du système, un avocat doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour défendre au mieux les intérêts de ses clients et le procureur doit faire ce qu’il peut pour que les crimes reçoivent une juste punition. Je n’irais sans doute pas jusqu’à parler de schizophrénie, mais il y a clairement une dichotomie dans l’esprit même du système. C’est souhaitable d’ailleurs, c’est ce qui garantit le bon fonctionnement de la justice dans notre démocratie. Mais pour que ça fonctionne correctement, il faut un procureur compétent, ce que le comté de King n’a pas vu depuis quatre ans.

La dernière phrase fit naître des chuchotements dans le public. Stan n’y allait pas avec le dos de la cuillère et cela plaisait au public.

- Vous considérez madame Tindall comme incompétente. Portant elle a à son actif quelques actions assez retentissantes. Vous ne partagez pas cette opinion qu’il vaut mieux attraper les gros poissons que les petits ?
Avec une politique telle que vous la décrivez, plus aucun criminel n’acceptera de faire des marchés.

Stan acquiesça mais ne concéda pas grand-chose.

- Bien sûr qu’il faut attraper les gros poissons. Mais il n’y a pas qu’une seule manière de les coincer. Il faut mettre sur pied des équipes qui enquêtent activement sur les organisations criminelles plutôt que de réagir affaire par affaire, sans cohérence comme c’est le cas actuellement. C’est au bureau du procureur qu’il appartient de créer une cellule qui aura pour mission d’enquêter une organisation criminelle précise sur le territoire du comté et d’œuvrer en collaboration avec les forces de police pour les démanteler. Ca permettra d’obtenir des preuves par d’autres moyens d’enquête, des preuves qui sont souvent plus tangibles que le témoignage d’une petite frappe prête à tout pour s’en sortir. Ca ne signifie pas non plus qu’il faut arrêter de négocier avec les criminels qu’on arrête, mais ce genre de cellule, par les informations plus profondes dont elle disposera, permettra de négocier en position de force. Si on obtient des informations par d’autres moyens, un suspect qui n’aura rien à nous offrir ne pourra pas éviter la prison. Ceux qui auront quelque chose à divulguer préféreront parler et avoir une peine moins lourde que de se taire et prendre le maximum à cause des preuves tangibles obtenues contre eux.

Le candidat DA se redressa une nouvelle fois dans son siège.

- Si je deviens procureur, mettre sur pieds ces cellules spécifiques sera ma première priorité.

- En tout cas, personne ne vous reprochera votre motivation et votre conviction, termina la journaliste en souriant.

Une coupure de publicité interrompit quelques minutes le débat pendant laquelle la journaliste et l'avocat se firent légèrement retoucher leur maquillage. Quelques gorgée d'eau plus tard, ils revenaient à l'antenne.

- Revenons en a votre coopération avec les forces de l'ordre si vous le voulez bien. L'inimitié entre certains capitaines et les services du procureur sont de notoriété publique. Pensez vous que votre politique de fermeté améliorera cette coopération ?

Stan profita de la coupure pour se relâcher un peu. Wyatt lui donna quelques idées à l’oreille et le candidat était prêt à recommencer juste avant qu’Angela ne reprenne l’antenne.

- Peut-être, il faudra leur demander. Ces relations tendues entre la police et le bureau du procureur sont un vrai problème. Je pense que pas mal de policiers n’apprécient pas d’accomplir tout le travail et de voir Madame le procureur débarquer avec les journaux à la toute fin de l’enquête pour se faire photographier pendant l’arrestation. Il est très important que les deux services collaborent à tous les niveaux. Il peut y avoir des dissensions, comme dans toutes les organisations d’une certaine taille, c’est normal. Et c’est pour ça qu’il faut un rassembleur, quelqu’un qui a le sens du leadership et qui est capable de pousser les gens qui travaillent avec lui à passer au-delà de leurs différents pour atteindre un objectif commun. Il faut souligner le travail qui a été fait en ce sens par Jim Gordon, le chef actuel de la police qui a vraiment donné de sa personne pour réussir à faire en sorte que ses services travaillent main dans la main avec les équipes du DA et du maire qui ne lui ont pas toujours facilité la tâche.

Pamela souriait en écoutant la réponse a sa question. Quand il amena la discussion sur Gordon, il vit une petite étincelle malicieuse s'allumer dans le regard de la belle journaliste.

- Vous semblez beaucoup apprécier le COP. Pourtant, beaucoup de commentateurs politiques ont été surpris de votre alliance. Vous ne représentez pas tout à fait les mêmes mouvances dans votre parti. Certaines de ces positions doivent faire grincer des dents un homme qui place religion et famille au centre de sa vie, comme vous nous l'avez dis précédemment.

Stan s’était attendu à cette question que beaucoup lui posaient. Elle était légitime d’ailleurs, Stan avait du mettre de l’eau dans son vin et ça n’avait pas été facile. Mais ce n’était évidemment pas la meilleure façon de présenter les choses.

- Jim et moi avons des différences, parfois assez importantes c’est vrai. Mais nous nous retrouvons aussi sur beaucoup de choses comme la nécessité de réduire les dépenses de la ville et d’atténuer la pression fiscale. Pour le reste, je vous dirais à vous ainsi qu’à nos concitoyens conservateurs qu’il vaut mieux voir un Jim Gordon à la mairie qu’une Mason Drake. Je salue d’ailleurs le ralliement d’Elie Davenport, pour qui j’ai beaucoup d’estime, au candidat Gordon. Bien sûr Jim Gordon ne sera pas le plus conservateur des maires, mais il est conscient d’avoir un soutien chez les conservateurs et de devoir en prendre soin s’il ne veut pas le perdre à la prochaine échéance. Voter Jim Gordon me paraît être la chose intelligente à faire si on s’oppose à la politique de Mason Drake.